Le complotisme : garant de la liberté de penser, ou danger pour la société ?

Après la controverse d’Hold-Up, on s’est penché sur le phénomène des théories du complot.
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Plus de dix jours après la sortie du documentaire Hold-Up, qui conteste la pandémie de Covid-19, ce dernier fait encore couler de l’encre. Controversé, le film de 2h40 enchaîne interviews sur fond noir et remises en question de la pandémie, en reprenant les codes bien connus du complotisme. Analysons le phénomène des complots, ce qu’ils disent de nous et de notre société, et leur impact sur notre mode de vie. 

Douter de ce qui nous entoure fait partie de la réflexion humaine. Mais à quel point est-ce sain ? Alors que le monde a plus que jamais besoin d’unité face à la pandémie de Covid-19 qui définira à jamais l’année et peut-être même la décennie 2020, le complotisme est représentatif d’un mal universel. La distance entre les citoyens, les institutions et les médias s’est dramatiquement creusée dans le monde. Cette confiance érodée est pourtant problématique, à une période où la coordination entre citoyens et institutions est primordiale. 

Si les théories du complot, doutes et questionnements sont tous importants pour une société fonctionnelle, la limite entre liberté de penser et promotion d’une pensée universelle est fine. Autant du côté des “complotistes savants” que des “moutons incrédules”. 

Prenons l’exemple de Hold-Up

Le but n’est pas ici de le fact-checker (nos collègues d’autres médias l’ont assez fait) ou de détailler ses contradictions, mais d’analyser le phénomène. 

Ce film se définit comme un documentaire, réalisé par Pierre Barnérias et Christophe Cossé. Le premier est journaliste, premièrement pour la presse écrite, la radio et la télévision, puis pour sa boîte de production depuis 2010, T Prod. Après un premier film controversé sur la Manif Pour Tous, À qui profite le flou ?, le documentaire conspirationniste M et le 3ᵉ secret a aussi fait parler de lui en 2014. On y trouve des théories comme l’infiltration de l’Église Catholique par le parti communiste dans les années 1930, ou l’existence d’un gouvernement mondial tenu par les francs-maçons. 

Aussi incongrus et clichés du complotisme ces thèmes peuvent être, les théories conspirationnistes ont une importance capitale. Elles contribuent à l’esprit critique, et rappellent que rien n’est à l’abri du questionnement. Et par le passé, certaines se sont avérées exactes. Les soupçons sur la dangerosité de l’amiante étaient vus comme des théories du complot, avant que le scandale n’éclate dans les années 90. Idem pour les écoutes téléphoniques de la NSA, avant qu’Edward Snowden ne vienne vendre la mèche. Ou encore l’existence d’armes de destruction massive en Irak, raison aujourd’hui reconnue comme faussement utilisée par les États-Unis pour y déclarer la guerre en 2003. 

Mais il y a théorie du complot problématique, et soupçons justifiés. Tandis que Hold-Up soulève des questions ouvertes et discutables comme les origines de la pandémie de Covid-19, le documentaire s’oppose aussi à des faits. Et cela fait tomber la conspiration avancée dans la première catégorie. Non, l’OMS n’a pas déclaré le port du masque inutile. Non, le confinement n’a pas servi à rien. Et non, des tests Covid n’existent pas depuis 2015. Cette remise en cause d’éléments avérés ne contribue qu’à décrédibiliser un lien de confiance déjà fragile. 

Tout n’est pas blanc ou noir

Le réel problème de Hold-Up vient de la division qu’il engendre. Les citoyens endormis, les “moutons”, d’un côté, et les citoyens éveillés, les “complotistes”, de l’autre. Une division cultivée par les deux camps. D’un côté, les défenseurs de la théorie, ironiquement, y croient dur comme fer, et ne questionnent pas les éléments avancés. De l’autre, les médias et critiques crient au complot, sans essayer de comprendre ce qui permet aux gens d’adhérer à ces idées. 

Comment les théories du complot prennent-elles racine, alors ? D’abord, elles répondent au besoin humain de trouver une explication à tout. Face à l’incertitude, une explication incongrue semble mieux plaire au cerveau qu’aucune explication (Thèse du Groupe d’Analyse et de Théorie Économique (GATE) et l’Institut des Sciences Cognitives (ISC)). C’est aussi un moyen de comprendre ce que l’on ne comprend pas. Les théories du complot touchent souvent des industries qui nous semblent obscures, loin de nous. La pharmaceutique, la finance… Et comme lorsque l’on résout une énigme, le cerveau aime ce sentiment d’intelligence et de supériorité. 

Doit-on donc arrêter de chercher une explication à tout, et à tout remettre en cause ? Non. Se questionner, analyser, apprendre, tous ces comportements font partie du panel cognitif de l’Homme, qui lui ont permis de survivre en tant qu’espèce. Mais diviser sa propre espèce en deux camps, autour de deux “pensées uniques” est contre-productif. Médias et critiques, comprenez les questions qui ont fait naître les théories conspirationnistes. Complotistes et analystes, respectez les faits, et ne dépassez pas la limite entre curiosité et contestation destructrice. 

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