L’épidémie de Covid-19 en France a eu un effet secondaire inattendu : le grand retour du vélo dans les mobilités. Analysons ce phénomène, et rétropédalons un peu pour décortiquer l’histoire des deux-roues en France.
“On se sentait pousser des ailes, à bicyclette”, chantait déjà Yves Montand en 1968. Un demi-siècle plus tard, la petite reine n’a pas perdu de sa superbe, et fait partie intégrante du quotidien des Français. Et cette année, avec la pandémie de Covid-19, le vélo a plus que jamais trouvé sa place dans les habitudes de la population. En effet, urgence écologique, contexte social et mesures sanitaires ont créé un cocktail parfait pour faire exploser l’utilisation du vélo en France.
Souvenez-vous de l’actualité de la fin d’année 2019 ? Les manifestations du mouvement des gilets jaunes battaient encore leur plein, tandis que débutait un long bras de fer entre la RATP/SNCF et le gouvernement au sujet de la réforme des retraites. Un cumul de grèves et de manifestations qui ont impacté les déplacements en France, au point de paralyser l’Île-de-France à partir du 5 décembre 2019. L’absence de métros et RER ne laissaient que peu de choix aux Franciliens : la voiture et les kilomètres de bouchons engendrés par les grèves, compter sur ses jambes, ou pédaler.
Le coup de pouce des “coronapistes”
Et le clair gagnant de cette situation, c’est le vélo. Sur la rue de Rivoli, l’un des principaux axes traversant Paris d’Est en Ouest, une nouvelle piste cyclable venait d’être inaugurée peu avant les grèves de décembre 2019. Sa fréquentation, qui voyait un maximum de 5 000 usagers quotidiens, a doublé dès les semaines suivant le 5 décembre. Un an plus tard, en plein confinement et malgré un temps loin d’être idéal, les bornes de la rue de Rivoli enregistrent toujours une moyenne quotidienne d’environ 8 000 vélos par jours. Entre temps, la rue est devenue entièrement dédiée aux pistes cyclables.
Mais le plus grand allié du vélo en 2020 a bien sûr été le virus de la Covid-19. Au déconfinement du mois de mai, pour aider les transports à appliquer les règles de distanciation sociale, des pistes cyclables provisoires ont été créées dans les grandes agglomérations françaises. Un parcours dédié aux cyclistes, une saison printemps/été particulièrement agréable, des transports perçus comme insalubres : le cocktail idéal pour les villes d’accélérer leurs politiques de mobilités douces, et pour les citoyens d’y prendre part.
Effet de mode, ou véritable transformation de nos habitudes ?
Alors que l’épidémie de Covid-19 en France est loin d’être terminée, le vélo semble s’installer définitivement dans nos modes de transport. La grande majorité des pistes cyclables provisoires ont été rendues pérennes en France. De plus, de nombreuses villes ont mis en place des primes à l’achat de vélo, notamment dans l’électrique. En Île-de-France, une aide de 500€ lancée en décembre 2019, budgétée pour 30 000 demandes, vient d’être reconduite après avoir enregistré 66 000 dossiers en 2020. Le “coup de pouce vélo” lancé par l’État, qui est un chèque réparation de 50€ pour remettre à niveau son vélo, a aussi été prolongé après un immense succès.
En ville et en banlieue, ces aides ont créé une réelle transformation des mentalités. Le vélo n’est désormais plus réservé à ceux qui peuvent se le permettre, mais à tous. Un changement dont témoigne l’implication des collectivités locales. En Île-de-France, le RER (Réseau Express Régional) va être doublé de pistes cyclables sur tout le réseau. Un investissement colossal, qui démontre la demande de mobilités douces même loin des grandes agglomérations. Dans les campagnes cependant, le vélo ne sera pas la solution aux zones de vide infrastructurel. Beaucoup de Français dépendent encore de leur voiture pour parcourir les kilomètres qui les séparent de leur travail et de leurs besoins.
Pourquoi appelle-t-on le vélo la petite reine ?
Le surnom affectueux donné à la bicyclette provient d’un pays qui est probablement le plus représentatif du succès de son utilisation à grande échelle : les Pays-Bas. La reine Wilhelmine, âgée de 10 ans, accède au trône néerlandais en 1890. La jeune souveraine a alors l’habitude de parcourir son royaume à vélo, ce qui vaut le surnom de “petite reine à bicyclette” par la presse française en 1898. Jusqu’à la fin de son règne en 1948, Wilhelmine continuera à pédaler à travers le pays. Entre temps, elle donne son surnom à son moyen de transport bien-aimé : le vélo. Son arrière-petit-fils Willem Alexander, l’actuel roi des Pays-Bas, fait vivre la tradition.
Un deuxième âge d’or
Mais cet engouement autour du vélo n’est pas une première. D’abord loisir de la bourgeoisie dans la seconde moitié des années 1800, le vélo devient un véritable moyen de transport populaire dès le début des années 1900. De moins d’un million de vélos en circulation en France en 1900, le compte explose à 10 millions de deux roues en 1939. Dans les années 1960, le nombre atteint les 15 millions. Véritable objet synonyme de liberté, d’insouciance et de jeunesse, la petite reine traverse les classes sociales, de l’ouvrier au banquier. Une légèreté qui fera du classique de Jacques Tati Jour de Fête (1948) un symbole de l’âge d’or de la bicyclette.
Après une période un peu ringarde à la fin du 20ème siècle, le vélo est devenu symbole de la transition écologique et des mobilités vertes. Dans un 21ème siècle défini par l’urgence environnementale, la bicyclette s’impose comme l’une des solutions les plus viables. En effet, les transports sont responsables de près d’un tiers des émissions de CO2 françaises, selon un rapport de la CITEPA de 2019. Et en ville, la voiture est encore trop utilisée, là où la majorité des déplacements ne dépassent pas 5 kilomètres. C’est le cas de 74% des déplacements en région parisienne. Or, le vélo est plus pertinent sur des trajets inférieurs à cette distance. Mais surtout, il émet précisément 0 grammes de CO2.
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